dimanche 10 février 2008

Théorie et pratiques du renseignement en outre mer français.

Cabinet militaire SER et Bureaux d’études : Théorie et pratiques du renseignement en outre mer français.

En théorie…..

Crée en 1959, le cabinet militaire rattaché au services du Ministre de l’Outre Mer est un une entité particulièrement discrète. Jusqu‘a sa dissolution Par Christian ESTROSI en 2008 elle avait deux missions essentielles. D’une part la gestion et le suivi du Service Militaire Adapté (SMA) dans les DOMTOM, et d’autre part une mission de renseignement assuré par la Section d’Etudes et de Renseignement (SER) au sein de ce cabinet. Ces différents chefs sont :

67- Cne de Vaisseau Cyril HERBOUT

87 Col Jacques LANGLOIS

89 Col Henri SANDOZ

95 Col Armel LE PORT

95-98 Col puis Gal Christian VIE

98-00 Col puis Gal François BUCHWALTER (ancien chef du bureau d'études Réunion de 85 à 89)

00-06 Gal Charles FERNANDEZ

06-07 Gal Roger DUBURG

La SER était chargé de suivre au profit du Ministre des DOM, l’évolution politique économique sociale syndicale dans les DOM TOM. La SER recevait des synthèses et des notes d’informations des différents services centraux (DST, SDECE, DCRG, SM….) et les répartissait selon les besoins sur le terrain. D’autre part les bureaux d’études lui faisait remonter quotidiennement des bulletins de renseignement concernant les événements marquants dans leurs territoires. A partir de ces différents documents le chef de la SER réalisait un Bulletin de Renseignement Mensuel document classé Secret-Défense d’une soixantaine de page à diffusion très limité.

La SER pilotait et coordonnait donc les actions des bureaux d’études présents dans les territoires

On considère généralement que ces bureaux d’études étaient les représentations du SDECE puis de la DGSE dans les DOM TOM. Composés de un ou deux officiers et d’un sous officier-secrétaire, leur mission étaient de permettre aux instances responsables de l'élaboration de la politique de l'Outre-mer et à celles chargées de la mettre en œuvre, d'évaluer aux mieux la situation, en fournissant dans les meilleurs délais les informations nécessaires à la prise de décision.

Placés au sein des Cabinets des Préfets et sous sa hiérarchie directe, ils étaient chargés d'élaborer des points de situation et des synthèses sur l'actualité économique, politique et sociale du territoire. Ces synthèses s’appuyaient sur des infos reçues de Paris mais aussi des représentations locales des Services de renseignements (DDRG, Poste de Surveillance du Territoire, Détachements de la Sécurité Militaire puis Poste DPSD…).

Les chefs des bureaux d’études animaient aussi les Comités de coordination des services locaux de recherche et de sécurité, et rédigeaient le plan de recherche la bible de l'espionnage intérieur.

Enfin il semble que comme au niveau national (pour le GCR et le GIC dépendants de la DGSE) les bureaux d’études aient été responsables des centres d'écoutes téléphoniques et radioélectriques dans le ressort de leurs territoires.


Contre amiral HERBOUT

En 1967 le cabinet militaire était dirigé par le Capitaine de Vaisseau Cyril HERBOUT, la SER par le commandant Michel ANDRE assisté du Commandant MONTAGNE.

6 bureaux se répartissaient à travers le monde :

¤ Fort de France en Martinique couvrant la zone Antilles Guyane et dirigé par le Cdt LENORMAND avec l’adjudant chef FIJI comme secrétaire

¤ St Denis de la Réunion animé par le commandant CORDIER (Secrétaire : Adjudant HAMELIN) qui gardait constamment un œil sur les Seychelles et l’Ile Maurice

¤ Moroni aux Comores se projetant vers Madagascar

¤ Nouméa en Nouvelle Calédonie dont le chef, le lieutenant colonel GUYOT, était aussi compétent sur les Nouvelles Hébrides (Vanuatu depuis 1980)

¤ Papeete en Polynésie ouvert en 1964, 2 ans avant le premier essai atomique à Mururoa

¤ Djibouti avec une surveillance vers le Yémen, l’Ethiopie et la Somalie et commandé par le capitaine BERTIN et le Lt Col René CANDELIER. Ce dernier conclura sa carrière en tant que général, directeur du Renseignement au SDECE en 1979.

En 1970 le bureau Antilles Guyane du commandant DECAM laisse la place à 2 nouveaux bureaux d’études qui ouvrent à Cayenne et Pointe à Pitre. Celui est inauguré par le Capitaine Jean Pierre HEYDEL.

A l’indépendance en 1974, le bureau de Moroni est remplacé par un poste DGSE et un bureau d’études à Mayotte. En 1977 le bureau de Djibouti devient un poste DGSE.

Au début de 2007 les bureaux d’études se déclinaient ainsi :

- Bureau d'études de Guadeloupe
M. le commandant Marc (Fernand) WALLERICH infanterie, 24 ans de services

- Bureau d'études de Martinique
M. le commandant Jean-Michel PASCAL

- Bureau d'études de Guyane
M. le lieutenant-colonel Bruno MINTELLI arme blindée et cavalerie
Tel : 05 94 35 45 09

- Bureau d'études de la Réunion
M. le commandant Philippe GIANNUZZI infanterie
Secrétariat : Mme Chantal CLAIN. Tel : 0262 40 74 36

- Bureau d'études de Mayotte
M. le commandant Patrick, (Bernard) NARDIN matériel, 27 ans de services

- Bureau d'études de Polynésie française
M. le commandant Serge (André, Louis) DOUCHET train, 26 ans de services
Tél. : 46 85 72 - fax : 46 85 79

- Bureau d'études de Nouvelle-Calédonie
M. le commandant Benoît (André) LEFRANCQ, train.

…Dans la pratique.

Cette architecture apparemment tournée vers l’analyse était beaucoup plus « active ».

De l’aveu même du Secrétaire au DOM TOM en janvier 2008 « la mission de ce cabinet militaire était de faire du renseignement politique, visant les élus ou même des journalistes pour le compte du ministre. J’ai considéré que cette mission, que les renseignements généraux n’ont plus le droit d’exercer depuis plusieurs années, n’avait aucune raison d’être aujourd’hui ».

L’histoire de ces bureaux d’études et de la SER est en effet traversée par plusieurs affaires s’apparentant à des « coups tordus »

Dès sa création en 1964 le poste de Papeete chargé de coordonner les mesures de la sécurité des installations atomiques de Fangataufa et Mururoa se lance dans un renseignement tout azimuts digne de la STASI.

Les ressources financières des Eglises protestantes, les contacts étrangers des mouvements de jeunesse, les problèmes de naturalisation de la minorité chinoise, le train de vie des femmes de ménage, les projets des mouvements autonomistes tout est épluché collationné et indexé.

Chaque semaine, quelques happy few le gouverneur, le patron des sites nucléaires, le ministre de la Défense, notamment reçoivent un «bulletin de renseignements» extrêmement complet sur la vie publique et privée parfois des Polynésiens en vue, et des gens de passage.

Mais ce n'est pas tout. Le «bureau d'études» est aussi chargé de contrôler de manière très stricte l'activité des journalistes. Ainsi, en mai 1967, une équipe de la prestigieuse émission «Cinq Colonnes à la une» arrive à Papeete. Branle-bas de combat. Le «Bureau d'études» prend en main les reporters, qui interrogent plusieurs opposants aux essais. Très vite, les barbouzes s'inquiètent. Le chef du «Bureau d'études» écrit: «Les intentions du journaliste ne paraissent pas bienveillantes à l'égard de la présence française et du centre d'expérimentation nucléaire.» Conclusion: «Il serait prudent, à Paris, de censurer l'émission.» Tout simplement.****

Une part non négligeable du travail des officiers de la SER à Paris était consacrée aux contacts avec les élus ultra marins de passage à Paris. Et dans un souci de recueil de renseignement et de culture des contacts utiles il n’était pas rare que certains services leur soit rendus (des enveloppes ???).

Aux Antilles dans les années 80, les bureaux d’études sont au centre de la lutte antiterroriste. Un mouvement indépendantiste pratiquant la lutte armée est alors en plein essor en Guadeloupe et dans une moindre mesure en Martinique et en Guyane. Yves BONNET l’ancien directeur de la DST est nommé préfet de Guadeloupe en 1986 avec comme mission principale l’éradication de ce mouvement. Décrivant les organes de renseignement sur lesquelles il s’appuie dans sa tache sur place il cite notamment le Colonel BERTRAND (un pseudonyme) chef du bureau d’études à Basse Terre. Les écoutes téléphoniques sur place qui -on l’a vu- sont l’apanage de ces bureaux seront l’une des armes les plus efficaces dans cette lutte.


Dans ces même années 80-90 un autre point sensible de l’outre mer français est la Nouvelle Calédonie. Si l’on en croit cet article un peu confus il semble que Guy MASCRES le chef du Bureau d'études sur place de 1993 à 1996 (qui a fait depuis une honnête carrière) ait été chargé des négociations avec un indépendantiste emprisonné. Pour un lieutenant-colonel analyste c’est singulier !!!

Enfin en 2004 une ténébreuse affaire aux forts relents politiciens éclabousse le beureau de Basse Terre dirigé par le Commandant DE RODEZ. Des Commissions rogatoires se retrouvent on ne sait comment (enfin si, on sait) en sa possession. Le piquant de l’affaire est que le principal objectif de cette CR n’est autre que Victorin LUREL, le nouveau président socialiste du conseil régional ; Assemblée qu’il a arrachée de haute lutte à la représentante locale de l’UMP Mme MICHAUX CHEVRY. Et quand on apprend après rapide enquête que celui qui a passé ces documents juridiques (en principe confidentiels) à la préfecture n'est autre que le colonel de gendarmerie sur place on ne peut que renifler un remugle nauséabond de basse politique. Pourquoi un service d’analyse et de coordination a détenu ces documents ? Que comptait il en faire ? A ce jour ces questions restent sans réponses.

Le 9 janvier 2008 Christian ESTROSI récent Secrétaire d’Etat aux DOM TOM annonce dans Le Parisien la dissolution de toute cette structure. Dans le même temps il confirme les soupçons pesant sur ces structures, politisés, génératrice de bavures et contre productives au final. Les RG ne surveillant plus les partis politiques depuis 1995 pourquoi ces structures militaires le feraient ? Et l’on apprend alors que depuis quelques mois déjà le responsable du cabinet militaire n’assistait plus au réunion du cabinet du ministre et que son débarquement au tournant de l’année fut très bruyant.

Mais il existerait une explication plus prosaïque à cette décision.

En conclusion si l’existence de ces structures tant métropolitaines qu’ultramarines se justifiait en période de guerre froide et décolonisation, de nos il n’est plus explicable qu’une partie du territoire national soit , en matière de renseignement, géré par des fonctionnaires issus du service de contre espionnage extérieur.

Il convient enfin de noter qu’au sein de la Direction des Affaires Politiques Administratives et Financières (DATAF) du Secrétariat à l’Outre Mer une discrète Mission de la Police Nationale accueille des fonctionnaires de Police qui ont tous une expérience en DST ou en RG. Mais c’est une autre histoire…..

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