lundi 27 août 2007

Guerres de successions au sommet du MOSSAD depuis 1996


Shabtai SHAVIT

Depuis 1996 et le départ de Shabtaï SHAVIT, trois directeurs se son succédés à la tête du MOSSAD le service de renseignement et d’opérations spéciales israélien :


Danny YATOM

- De 1996 à 1998 le Général Danny YATOM qui est remplacé à la suite de plusieurs échecs opérationnels notamment en Jordanie et en Suisse.


Ephraïm HALEVY

- Jusqu’en 2002 Ephraïm HALEVY un vétéran du service de liaison du MOSSAD (TEVEL) et directeur adjoint de 1990 à 1995 remet de l’ordre au sein du service.


Meir DAGAN

- Enfin Meir DAGAN est nommé, par Ariel SHARON, en 2002.

En quittant le MOSSAD en 1996, SHAVIT laisse un service apparemment encore efficace. Bien que certaines frictions et lacunes soient apparues en 1991 lors de la guerre du Golfe, les experts s’accordent alors a considérer le MOSSAD comme le service le plus efficient du Moyen Orient sinon du monde.

En 1996 l’adjoint au directeur est une adjointe : Aliza MAGEN, première femme a atteindre ce poste au sein de la petite communauté du renseignement israélien, remplace depuis un an Ephraïm HALEVY nommé ambassadeur à Bruxelles. Mme MAGEN a notamment été affectée au poste TZOMET (Recherche opérationnelle) en RFA au début des années 80.

Yoram HESSEL

Le chef du poste TEVEL (Liaison et relations extérieures) à Washington, depuis 3 ans et pour un an encore , est Yoram HESSEL vétéran de la guerre des 6 jours au sein d’un régiment parachutiste.

Ilan MIZRAHI

Au sein de la division TZOMET Ilan MIZRAHI, responsable du contre terrorisme, vétéran des opérations à l’étranger et homme discret connu pour sa capacité d’écoute, apparaît comme un de meilleurs connaisseurs des mondes arabe et perse. Il sera nommé chef de cette division en 1997.

Uzi ARAD

Le chef de la Division Recherche (Analyse du renseignement) est Uzi ARAD l’ancien chef du poste TEVEL à Paris en 1987.


La branche KIDON (Exécutions) de la division KESARIA (Opérations spéciales) est dirigé par Hagai HADAS au service depuis 1977. Né en 1954, HADAS a été élevé dans un kibboutz. C’est un vétéran du Sayeret Matkal (l’élite des régiments parachutistes) dont il fut le commandant en second sous les ordres de Yiftach REICHER en 1975-76. En tant que membre puis chef de KIDON il a notamment participé ou organisé les disparitions brutales d’Abu JIHAD à Tunis en 1988 et de Fathi SHIKAKI à Malte en 1995.

Les restes de Fathi SHIKAKI

Enfin Yitzhak BARZILY bien que proche de la retraite est encore chef de la division NEVIOT (Cambriolages et Ecoutes).

Le général Danny YATOM -un authentique héros militaire de l’Etat hébreu surnommé « le prussien »- arrive au MOSSAD sans aucune expérience du renseignement stratégique. Il a donc tendance à s’appuyer sur son adjointe et les différents chefs de division dans la conduite des opérations et de la gestion quotidienne.

Ami du premier ministre Binyamin NETANYAHU depuis leur passage au sein du Sayeret Matkal, il ne saura pas lui dire non quand celui-ci lui ordonnera en 1997 l’exécution de Khaled MESHAL, représentant politique du HAMAS à Amman, en représailles à plusieurs attentats particulièrement meurtriers dans des bus de Tel Aviv. Le service tournant le dos à des méthodes et des procédures ayant fait leurs preuves choisit le poison et une méthode de délivrance impliquant une proximité trop grande avec l’objectif et ses gardes du corps. Le 25 septembre 1997 2 des 10 officiers KIDON affectés à cette mission sont capturés par la police jordanienne. Ils sont de plus porteurs de vrais faux passeports canadiens.

Khaled MESHAL

Les autorités d’Ottawa ne sont pas prêtes a le pardonner. Mais le pire est qu’Israël doit libérer 20 prisonniers du HAMAS dont son fondateur le Cheikh YASSINE afin de récupérer ses deux officiers par ailleurs grillés dans tout le monde arabe. Le MOSSAD est enfin obligé de livrer un antidote afin de sauver MESHAL

Commission CIECHANOVER (Yossi CIECHANOVER, Rafi PELED & Dan TOLKOWSKY)

Dans un rapport d’enquête rédigé par la commission CIECHANOVER après l’échec cuisant de cette tentative et remis au premier ministre en février 1998 le chef de division responsable de l’opération est désigné par la première lettre de son prénom H. comme Hagai HADAS.

2 mois plus tard Yehuda GIL un retraité de la division TZOMET, spécialiste de la Syrie démasqué dès 1990 par Victor OSTROVSKI dans son ouvrage «By way of deception» est arrêté et accusé de falsification de rapports et de détournement de fonds. Il s’était amusé, même après sa retraite vers 1992, à gonfler la menace posé par la Syrie en inventant une ou plusieurs sources syriennes. Ce faisant il a empoché 200.000 $ pour le traitement de cette source imaginaire. Il est généralement admis qu’un des premiers à l’avoir soupçonné est Ilan MIZRAHI.

Moshe YAALON

Notons toutefois que ce sont les différences entre les rapports de GIL et ceux des sources d’AMAN (le renseignement militaire dirigé par Moshe YAALON) et de l’unité 8200 (Renseignement électronique) qui précipiteront une enquête interne.

La dernière pelletée sur le cercueil du prussien sera, le 24 février 1998, l’annonce de la tentative ratée d’installation de dispositifs d’écoutes sur la ligne téléphonique d’un appartement au 27 de la Wabersacker-strasse à Köniz, dans la banlieue de Berne. Son propriétaire, Abdallah EL-ZEIN, suisse d’origine libanaise par ailleurs dirigeant d’un centre islamique est réputé proche du HEZBOLLAH. Si ce sont 5 israéliens qui sont arrêtés dans des conditions rocambolesques le 19 février 1998, un seul est finalement mis en cause car il est porteur de 2 passeports. « Isaac BENTAL » ou « Jacob TRACK » (les deux noms sont faux) après 2 mois de prison en Suisse est libéré contre une caution de 12M de FF.


"Isaac BENTAL" de dos puis dessiné

Notons que cette affaire provoquera la première grève de fonctionnaires du MOSSAD en juillet 2000. Ceux ci reprochant à leur hiérarchie d'avoir livré "BENTAL" aux autorités suisses pour récupérer les 12M de caution.

YATOM démissionne ce même 24 février 1998.

Le premier geste d’Ephraïm HALEVY en lui succédant est de saquer Yitzhak BARZILY qui en tant que chef de NEVIOT assume la responsabilité de ce nouveau fiasco, et de nommer à sa place Tamir FREDO lui aussi ancien membre du Sayeret Matkal et qui de ce fait a participé au raid d’Entebbe en 1976 au coté du frère de Binyamin NETANYAHU Yoni -qui y trouvera d’ailleurs la mort-.

Amiram LEVINE

Aliza MAGEN prend sa retraite et est remplacé par le Général Amiram LEVINE. Celui-ci par son expérience militaire est censé contrebalancer le peu d’expérience d’HALEVY dans ce domaine. L’objectif final étant qu’après une période décente LEVINE succède à HALEVY.

Plus étonnante dans ce contexte de scandales est, à cette époque, la nomination d’HADAS en tant que chef de la division KESARIA. Sa longue expérience dans ce domaine très particulier lui a sans doute permis de passer entre les gouttes.

Les malheurs du MOSSAD s’achèvent en novembre 1998 quand Udi HARGOV et Igal DAMARY, sont arrêtés dans le petit village de Zygi à CHYPRE. Porteurs d’appareils photos, de zooms puissants et de scanners branchés sur la fréquence de la Police, ils sont soupçonnés d’avoir voulu espionner un nouveau système de missile russe S-300 livré a l’armée chypriote.

Udi HARGOV et Igal DAMARY

Sept ans plus tôt quand 4 israéliens ont été surpris une nuit farfouillant les fils téléphoniques dans le bâtiment abritant l’ambassade d'Iran à Nicosie ils s’en étaient sortis avec une amende. Mais c'était l'ambassade d'Iran...

En 1999 Uzi ARAD quitte le MOSSAD et est remplacé à l’analyse par Ilan MIZRAHI. La division analyse est alors refondu dans TZOMET. En 2000 LEVINE déçu de la décision de Ehud BARAK de prolonger le terme d’HALEVY préfère démissionner. Ilan MIZRAHI décidément bien vu est nommé directeur adjoint à sa place. Il y cumule ces fonctions avec celle de sous directeur chargé du soutien opérationnel (HQ Directorate) et devient par la même le principal candidat en interne à la succession d’HALEVY.

En novembre 2001 HADAS quitte le MOSSAD à 48 ans pour tenter sa chance dans une société privée en Suisse (CARDGUARD).

Pourtant en 2002 il fait partie des 4 candidats les plus sérieux à la succession d’HALEVY atteint par la limite d’âge. MIZRAHI (soutenu par HALEVY, SHAVIT et MAGEN) et lui (soutenu par Moshe YAALON désormais chef d’état major) représentent la solution interne au MOSSAD. Les deux représentants des militaires étant le général Shlomo YANAI héros militaire depuis la guerre des Six jours et le général (R)Meir DAGAN proche d’Ariel SHARON.

C’est finalement cette proximité qui permettra à DAGAN d’obtenir le poste de directeur du MOSSAD en 2002. MIZRAHI mortifié quitte immédiatement le service et est remplacé par Tamir FREDO qui cumule ses fonctions avec celle de sous directeur des opérations (Operations Directorate).

L’éternel Hagai HADAS fait son retour à la demande expresse d’Ariel SHARON. Il est nommé en 2003 sous directeur chargé du soutien opérationnel (HQ Directorate) en remplacement de MIZRAHI. Après quelques années dans le privé celui-ci sera nommé directeur du National Security Council en 2006.

Le contrat passé alors par DAGAN est qu’au terme de son mandat en 2007 il aura promu 2 candidats en interne a sa succession

L’arrivée du Général DAGAN (connu pour son caractère irascible) s’accompagnent de purges encore jamais vues dans le service. On parle de 7 chefs de département ou de division « démissionnés » et du départ plus ou moins volontaire de 800 officiers. Il en va ainsi de Yoram HESSEL qui était chef du TEVEL et qui est remplacé en 2003 par un retraité de TZOMET. De même Oded AILAM chef du centre anti terroriste de 1997 à 2002 puis adjoint au opérations quitte le service en 2004. Il semble que pour remplacer ces départs DAGAN ait une préférence pour les opérationnels ou les responsables intermédiaires de l’AMAN sans doute plus proches de ses options politiques, comme par exemple le général Amnon SOFRIN chef de la Division Recherche rebaptisé Renseignement de 2005 à 2008.

En octobre 2005 Tamir FREDO est détaché au sein de l’Etat Major de TZAHAL en tant que conseiller spécial et professeur au Collège National de Sécurité. HADAS doit normalement lui succéder au poste de directeur adjoint. Mais pour des raisons inconnues Meir DAGAN lui préfère un autre candidat.

Naftali GRANOT Le chef du TZOMET nommé a ce poste par DAGAN en 2002, ancien des régiments parachutistes et de l’AMAN, devient directeur adjoint en 2005. Il paraît avoir donné satisfaction a sa hiérarchie notamment lors des efforts diplomatiques pour bloquer l’avancement des recherches nucléaires iraniennes ou encore dans la pénétration du HEZBOLLAH. Hagai HADAS démissionne donc pour la seconde fois et retourne dans le privé en tant que dirigeant d'une start up dénommée Yooga.

En Juin 2007 DAGAN et GRANOT semble s’être durement affronté. GRANOT tirant les conclusions de cette opposition démissionne. A la même époque sa fille Omer GOLDMAN refuse d'éffectuer son service militaire obligatoire et s'engage dans une lutte avec le complexe militaire israélien.

Tamir FREDO est, en catastrophe, rappelé de TZAHAL pour retrouver sa place de directeur adjoint.

Alors que le terme du mandat de DAGAN a été rallongé d’un an (Septembre 2008) la nomination de FREDO fait de lui le principal candidat en interne à la succession de DAGAN .

Tzipi LIVNI, future Premier Ministre?

Mais comme l’expérience l’a montré cette candidature interne n’est pas la garantie de réussite. Loin de la. Le futur directeur du MOSSAD doit aussi avoir des appuis politiques et le soutien du Premier Ministre en exercice. Il est a cet égard intéressant de noter que FREDO serait proche de la ministre des affaires étrangères Tzipi LIVNI éphémère fonctionnaire du MOSSAD de 1980 à 1984 et étoile montante de la politique israélienne.

L'hypothèse d'une prolongation de DAGAN bien qu'improbable n'est pas a exclure totalement.